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Channel: Littérature pour enfants, littérature pour adultes
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Des feuilles (et quelques niouzes!)

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J'ai été totalement absente de ce blog pendant des semaines à cause d'un trimestre de dingue, comme d'habitude! Mais j'ai encore écrit une petite feuille de clémentine pour les Histoires Sans Fin il y a deux semaines, sur l'impératif de vérité et le statut du livre documentaire en littérature jeunesse.

Je ferai une update plus longuette à un moment ou à un autre, mais je voulais surtout passer par ici pour révéler l'adorable et punchy couverture deL'Affaire Mamie Paulettequi sortira en avril 2015!

Anges et démons, taxis et pizzas, motos volantes et chiens à trois têtes, et surtout une vieille dame qui enquête sur sa propre mort: ça se passera là-dedans, illustré par la géniale Eglantine Ceulemans!



 à très vite!

Bonne Année, casse-toi pas le nez

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Salut, très nombreux et nombreuses lectrices et lecteurs de ce blog en perdition!

J'espère que ce troisième jour de l'année 2015 a fini de détruire pour de bon toutes ces bonnes résolutions très neuneu que vous avez prises après le troisième verre de champe le 31 au soir, surtout 'Arrêter de lire des blogs'. Personnellement, j'ai passé un très joyeux Noël et fort bon réveillon, et j'ai eu tellement de bouquins en cadeau (les gens ont l'air de croire que j'aime lire LOL) que je n'ai pas pu tous les rapporter dans mes valises. J'ai eu notamment le dernier Nicolas Grimaldi; un jour je vous dirai ma passion pour Nicolas Grimaldi, si vous avez deux ou trois semaines à tuer.

Moi aussi j'ai offert de nombreux bouquins à ma petite filleule, dont:

concentré absolu de rigolade

l'enfant étant, ce qui est compréhensible, obsédée par Zébulon


en même temps, qui n'a PAS offert cet album à Noël?

J'en profite pour vous faire part de ce joyeux add-on:Amazon Killer, inventé par un jeune Frenchie, qui vous permet de chercher des livres sur Amazon et ensuite de les acheter chez un vrai libraire! Là c'est la version pour Mozilla, si t'es sur Chrome ben tu cherches avec tes petits doigts, je vais pas non plus tout faire pour toi.

Il m'est aussi arrivé les choses suivantes:

1) Je me suis pété une côte! Je suis magnifiquement fière de moi car je ne l'ai pas fracturée bêtement en combattant un grand balèze qui essayait de voler le sac d'une vieille dame; non non, je l'ai cassée à la seule force de ma toux surpuissante. Du coup je vais passer janvier au lit avec ma nouvelle pote la bouillotte à pois multicolores:

"t'as de jolis cernes tu sais?"

2) J'ai fini d'écrire The Royal Bake-Off, le troisième tome de ma série pour Bloomsbury. Ca a été une véritable promenade de santé. FAUX! Ca a été un calvaire abominable. J'écrirai un article de blog un jour ou l'autre, sur mon lit de douleur, sur ce qui se passe quand on est 0% motivée pour écrire un bouquin parce que c'est affreusement difficile. Enfin bon, it's over, thank goodness. Jusqu'à ce que les corrections arrivent.

Rappel des couvertures par Becka Moor qui sont quand même fortement fun:




Ca me fait penser qu'il faut que je vous mette au jus que ces royales baby-sitters paraîtront en français chez Hachette cette année! (pas traduits par moi, je précise)

3) Je finis les corrections sur Les petites reines, mon prochain Exprim' chez Sarbacane. On a des combats féroces avec Tibo, notamment sur les questions suivantes; n'hésitez pas à me donner votre avis éclairé:

- Indochine est-il un groupe rock, pop, pop-rock? ou de tektonik?
- Est-il vraiment nécessaire d'avoir une play-list musicale pour un roman ado?  (niet)

Le mot d'ordre pour cet Exprim'-là, c'était:



Mais bon, j'ai quand même mis aussi de la cruauté gratuite parce qu'il ne faut pas non plus exagérer. 

4) Un autre bouquin fini expédié, c'est le splendide Lettres de mon hélicoptêtre, toujours chez Sarba, avec la magique Anne Rouquette, qui sortira en février. Regardez-moi cette couverture de haut vol (c'est le cas de le dire):



Ce sera vraiment un bel album et j'en tremble de fierté telle la maman d'Einstein. Le pitch: une petite fille se fabrique un hélicoptêtre et va courir le monde en compagnie de son chat. En chemin, elle écrit des lettres à ses parents restés bêtement en France! Heureusement, elle reviendra quelques jours plus tard pour le thé... avec quelques invités!

Bon, je vais en rester là pour le moment et vous promettre comme d'hab des billets moins autocentrés dès que possible.

BONNE ANNéE!

Lettres de mon hélicoptêtre en librairie TODAY! + Concours

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Parce que je n'ai peur de rien comme fille moi, je me lance dans le récit épistolaire en rimes. Bon, allez pas vous imaginer que c'est un croisement entre Les Lettres Persanes et Phèdre hein. C'est beaucoup plus dépaysant et dix fois plus dramatique. Et comme elle n'a peur de rien non plus, la fabuleuse Anne Rouquette l'a illustré!

et comme d'hab incapable de prendre une photo pas floue rhâ

Donc, chers lecteurs et chères lectrices, dites coucou au nouveau bébé, Lettres de mon hélicoptêtre, qui sort aujourd'hui en librairie!


Suggestion de présentation.
Ca commence comme ça:



En chemin, notre héroïne et son chat à gros mollets qui pédalent dans les airs rencontrent tout un tas de gens. Enfin, 'rencontrer' est un bien grand mot, puisque notre cycliste céleste ne se rend pas tout à fait compte de leur présence...

Sorry, Your Majesty...

Et ça se finit très mal, tout le monde pleure, se bat, s'entredéchiquète et ça traumatise totalement les enfants. Méééé non! C'est trop mignon, méchamment bien illustré et ça fait baisser la tension artérielle. Allez va l'acheter et ensuite ne laisse pas vélos et outils à la portée des enfants, ça risque de leur donner des idées.

Et puisque je suis fortement adorable, je vous propose, comme d'hab, un petit CONCOURS!

Pour gagner un exemplaire de ce délicieux ouvrage, dites-moi donc dans les commentaires quel a été le plus bizarre/ moche/ problématique/ sublime/ drôlissime SOUVENIR DE VOYAGE que vous ayez emporté dans vos bagages.

Faites péter vos histoires émouvantes, terrifiantes, fascinantes et lumineuses de trafic de drogue à votre insu, d'adoptions illégales de bébés tortues, de flacons d'huiles de truffe ayant éclaté dans vos valises et de LA MEILLEURE CHOSE QUE J'AIE RAPPORTEE DE VOYAGE C'EST MON MARI ON S'EST RENCONTRES A IBIZA LUV U MON BB <3 p="">
Toutes celles-là et beaucoup d'autres!!!

Vous avez jusqu'au 22 février, C'EST PARTI ALLEZ GO GO GO 3>

Ecrire en bâillant

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Après tout, me disais-je, peut-être le plaisir qu’on a eu à l’écrire n’est-il pas le critérium infaillible de la valeur d’une belle page; peut-être n’est-il qu’un état accessoire qui s’y surajoute souvent, mais dont le défaut ne peut préjuger contre elle. Peut-être certains chefs-d’œuvre ont-ils été composés en bâillant. (Proust, A l'ombre des jeunes filles en fleurs, p.374)
Alors, les ami/es, question du jour: écrit-on toujours mieux quand on est tellement passionnée qu'on n'arrive pas à s'arrêter, que l'aurore darde ses doigts de rose par la fenêtre et qu'on s'aperçoit soudain (parce que le robinet de la salle de bains n'a pas été fermé et qu'on a les pieds mouillés par une inondation généralisée) qu'on n'a pas donné leur biberon aux triplés, que le chien a chié partout dans le salon, que le mari s'est barré avec la voisine du dessus et qu'un avion de la TransAsia s'est écrasé dans les hortensias du jardin?

A mon avis, non; on n'écrit pas forcément de meilleurs textes, qui passionneront plus les lecteurs, si on n'est pas toutes les trente secondes en train de regarder sa montre. Je ne dirais pas qu'être passionné n'aide pas - notamment parce que si ce qu'on écrit nous intéresse vraiment, on est, me semble-t-il, plus réceptif parfois à des idées vives et originales, ce qu'on appelle benoîtement l'inspiration. Mais ce que j'ai remarqué au fil des années, c'est qu'il y a finalement peu de corrélation entre les bouquins que j'ai vraiment adoré écrire et ceux qui fonctionnent vraiment avec les lecteurs.

Prenez par exemple La plume de Marie, qui reste l'un de mes meilleurs souvenirs d'écriture. J'ai adoré écrire ce livre. Je l'ai écrit en retenant mon souffle, complètement emportée par ma propre écriture. Je revenais à mon moi clémentinesque de sixième-cinquième, quand, fascinée par le théâtre classique, j'engloutissais tout Racine, Corneille et Molière et m'inventais dans ma tête des dizaines de scènes en alexandrins rimés sur le chemin du collège. J'étais à fond dedans.

oui j'étais très cool comme ado.
C'est donc avec moult pincements au coeur que je lis des chroniques de ce petit bouquin m'affirmant qu'il a été écrit 'pour correspondre aux programmes scolaires', ce qui est parfaitement faux. De nombreux lecteurs l'ont lu comme un exercice intellectuel d'une profonde sécheresse, alors que pour moi c'était véritablement un élan affectif, presque amoureux. En gros, ça a foiré.

tristesse infinie
Autre exemple, totalement opposé: La pouilleuse, qui a été difficile, lent et pas très plaisant à écrire. C'est un livre sombre, je l'ai abandonné après une semaine, repris un an plus tard, fini plutôt par sens du devoir que par passion; envoyé sans grande conviction à des éditeurs, qui tout de suite ont mordu. Et ça reste le livre dont on me parle le plus comme d'un roller-coaster, hyper prenant, etc. Quand je l'écrivais, pourtant, il n'avait rien d'hyper prenant, je vous demande de me croire.

Ensuite il y a les livres qu'on n'a pas aimé écrire ET qui ne marchent pas bien: la loose internationale. Je vais pas m'autocrucifier en donnant des exemples de mon propre corpus, mais il y en a.

Et puis l'idéal: un livre qu'on a adoré écrire, et pour lequel les lecteurs montrent un enthousiasme similaire. Ca ne m'est arrivé pour l'instant qu'avec mes petits Sesame Seade anglais, que j'ai écrits avec une joie absolue et en rigolant toute seule, et qui fonctionnent avec beaucoup d'enfants. C'est un immense plaisir de rencontrer une résonance comme ça, et ce n'est pas courant.

tout le fun et zéro de pas bien
Donc, des cas de figure très différents, des livres qu'on adore et qui ne marchent pas, des livres qu'on n'a pas aimé écrire et qui touchent une corde sensible. Il y a beaucoup d'incompréhension entre auteur et lecteurs. Des moments ou quelqu'un nous parle en bien d'un de nos livres qu'on n'aime pas trop, et on a envie de dire mais arrête, kestufous, lis celui-là plutôt! Des moments où un lecteur nous dit qu'il a préféré tel passage, qu'on a dû réécrire mille fois, sans passion et sans enthousiasme, un travail peu gratifiant, cérébral, inintéressant. Et au contraire, des lecteurs qui n'aiment pas - mais comment PEUVENT-ILS ne pas aimer? - des pages passionnelles et emportées par l'inspiration.

J'ai relu récemment les épreuves de The Royal Wedding-Crashers, qui sort en mai et qui est la suite des Royal Babysitters. Très franchement, ça a été une totale pain in the a## d'écrire ce bouquin. J'en ai bavé. Panne d'idées, impossibilité de lui faire faire ce que je voulais, etc. Une vraie corvée. Et ensuite, un travail éditorial monstre (enfin, rien comparé au travail Tiboesque, hein), boring et tedious.

je te hais, mais finalement je t'aime bien

Et pourtant, en lisant les épreuves... Je me suis dit hé bien, ça fonctionne nickel. It works. C'est un livre énergique, fun et insolent, meilleur d'ailleurs que les Royal Babysitters. Où sont les cicatrices de mes traumatismes d'écriture? Le texte les a résorbées.

Personne n'en saura jamais rien.

Ah oui, sauf que je viens de l'écrire sur mon blog, dammit.

Et vous alors, qu'est-ce que t'en penses?

Résultats du concours Hélicoptêtre!

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Lis ça, lis ça, hélicoptêtre que c'est toi qui as gagné!!!!

D'abord j'ai mis les noms de tout le monde avec des dessins de leurs meilleurs souvenirs...

t'as vu comment j'ai dessiné Séverine en train d'éternuer TCHOUM

Ensuite j'ai tout retourné et mis sous la garde de la clémentine en crochet...

REALISE SOUS CONTROLE D'UN HUISSER DE JUSTICE
 Et j'ai fermé les yeux comme ça >-< et j'ai fait pshfit pshfit avec ma petite main et ensuite j'en ai pioché une au pif et c'est...

Christelle dont l'histoire était fort jolie d'ailleurs (illustrée d'un foetus, oui je sais mon talent pour le dessin intra-utérin devrait me faire gagner le Turner Prize un de ces jours), et que je m'empresse donc de vous redire ici:

Incontestablement, mon plus beau, plus émouvant, plus touchant plus tout et tout et tout souvenir de vacances c'est ma petite number3 qui est revenue clandestinement avec nous de vacances et je l'ai découvert par un test de grossesse le jour de mon anniversaire - de mes 40 ans - jour où j'avais décidé que j'arrêterais de'espérer, d'y croire encore et encore et de me résoudre à oublier le rêve d'un(e) petit(e) troisième... Depuis c'est mon rayon de soleil! Voilà vous savez tout...

Vous conviendrez que c'est absurdement mignon!!! Christelle, envoyez-moi votre adresse à clementinemel arobase hotmail point com et je vous expédie fissa un Hélicoptêtre à faire bouquiner au petit rayon de soleil.

Les autres, je vous embrasse aussi et merci d'avoir participé! Il y avait beaucoup d'histoires de maladie, de considérations existentielles et aussi une paire de bottes. Que de souvenirs!


10 ans de hauts talents

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Je copie éhontément mon pote Gaël Aymon qui a fait lui-même un billet pour célébrer les 10 ans de la maison d’édition pour enfants Talents Hauts

Quand je disais ‘Talents Hauts’, avant, on répondait ‘hein? Talon Haut?’.

Mais ça, c’était avant.

Maintenant, la petite maison d’édition formée par Laurence Faron et Mélanie Decourt est connue de tous les libraires et bibliothécaires jeunesse. Moi aussi, comme Gaël, je garde un attachement particulier à cette maison parce que Laurence et Mélanie ont été les premières à me publier. Mais je veux surtout rendre hommage ici à cette maison qui a tant fait dans la lutte pour les droits des femmes, en 10 questions-réponses…

1) Des livres pour enfants explicitement engagés, est-ce que c’est de l’endoctrinement?
J’ai une opinion assez claire sur ce sujet, dont j’ai déjà parlé plusieurs fois sur ce blog. L’idéologie peut être implicite ou explicite, et l’idéologie explicite n’est pas forcément la plus dangereuse. Certes, exprimer un point de vue sur le monde et l’enseigner aux enfants, c’est bien sûr espérer qu’ils le prennent en compte. Mais les enfants sont soumis à bien d’autres influences, beaucoup plus pernicieuses car ‘invisibles’: comme des caméléons, elles ont pris la teinte du papier peint; on ne les remarque plus. Ces influences, qui font partie de l’idéologie dominante, il faut les combattre, et il faut le faire de manière explicite ainsi qu’implicite.

2) Mais ces livres ne sont-ils pas trop didactiques?
Ca dépend! comme dans tous les cas de maisons d'édition engagées, et de livres engagés, il y a à prendre et à laisser. Mais aussi comme dans tous les cas de maisons d'édition normales... certains livres sont plus réussis que d’autres. Ce qui m'impressionne chez Talents Hauts, c'est que sur dix ans, elles ont constamment et intelligemment réajusté leurs attentes, peaufiné leurs techniques d’édition, cherché à transcender les genres (littéraires et autres!) et les approches pour justement ne pas tomber dans le didactisme. Maintenant, on a une maison d’édition à la production incroyablement bariolée, mûre, parfois drôle parfois sombre, et des livres qui gagnent de nombreux prix (voir Gaël Aymon bien sûr, mais aussi Florence Hinckel, Jo Witek…). Et des traductions de l’étranger. Et des nouvelles collections. C’est une maison qui a su évoluer, répondre à son public, s’adapter au climat politique aussi, et toujours se questionner soi-même tout en posant des questions à ses lecteurs.

3) La lutte pour l’égalité, est-ce vraiment nécessaire ces jours-ci?
J’aurais pu faire une longue réponse là-dessus, mais franchement, vu ce qui s’est passé ces dernières années et ce qui nous arrive maintenant en pleine figure, je ne pense pas vraiment avoir besoin d’argumenter.

4) OK, mais est-ce nécessaire d’en faire une ligne éditoriale?
Je suis heureuse qu’en France il existe une (et même plusieurs) maisons d’édition qui ne se contente pas de publier un livre de temps en temps qui parle de l’égalité, mais qui se déclare féministe et en fait vraiment son cheval de bataille. Ca envoie un message très fort, et je le ressens d’autant plus que là où je suis, en Angleterre, ce n’est pas le cas. On n’a pas de lignes éditoriales engagées, juste des éditeurs qui veulent vendre beaucoup, et pour qui l’engagement, de temps à autre, est simplement une stratégie marketing.

5) Justement, ça ne serait pas juste une stratégie marketing, tout ça?
Si si, c’est pour ça que Laurence et Mélanie vivent sur leur île privatisée et se déplacent en Aston Martin avec leurs bébés tigres des neiges, sirotant de délicats nectars de truffe… Ceux qui disent que l’engagement est un business me font bien rigoler. L’égalité homme-femmes, c’est l’antimatière du capitalisme et de son idéologie dominante. La promouvoir systématiquement, c’est s’opposer à tout un système économique, politique et culturel qui s’appuie, pour ‘vendre’, sur des stéréotypes qui ont une valeur pas seulement symbolique mais aussi marchande. Il y a des ‘niches’ d’acheteurs pour les livres engagés, c’est vrai, mais se lancer dans ce genre de ‘business’, c’est vraiment s’exposer à un ascétisme et s’imposer une éthique, ce n’est pas chercher un ‘filon’.

6) Les livres engagés, c’est bien gentil, mais ça serait pas seulement pour les bobos?
Si, beaucoup, c’est vrai. Dans les faits, la culture pour enfants est très inégalement distribuée. Mais justement, ce que Talents Hauts a fait depuis des années, c’est se démener comme des dingues pour que leurs livres arrivent dans les mains de tout le monde. Avec leur concours annuel, des classes de toute la France peuvent écrire un conte féministe et l’une d’entre elles le voit illustré et publié. Leurs auteurs, pour qui l’égalité a évidemment une grande importance, se rendent dans de nombreuses écoles et collèges pour parler de ces questions.

7) C’est quoi dis ton livre préféré de chez Talents Hauts, tata Clémentine?
Personnellement, Quatre Filles et Quatre Garçons de Florence Hinckel, une série maintenant publiée en gros pavé, hyper chouette, vivante, vraie, pulsante, acidulée, que j’aurais adoré lire étant ado. C’est quatre filles et quatre garçons qui sont amis, une de ces amitiés d'une intensité et d'une drôlerie forcenée, mais aussi fragile et tendre, une de ces amitiés qu’on ne peut avoir qu’à 15 ans. Ils ont tous des rêves, des problèmes et des comptes à régler, mais ils ont chacun toute l’énergie et la fraîcheur qu’il faut pour leurs contes initiatiques à eux. Ca se passe dans le Sud, et c’est drôle et intelligent et aussi magnifiquement bien construit, je le précise parce que c'est vraiment rare un roman ado dont la construction est aussi rigoureuse.

8) Y a-t-il d’autres maisons comme Talents Hauts?
‘Un peu comme’ Talents Hauts, il y a Rue du Monde. Et plus récemment, La ville brûle. Et de plus petites: Planète Rêvée, des Ronds dans  l’O, les Grandes Personnes…

9) T’aurais pas écrit d’autres trucs sur la littérature engagée, toi, sur ce blog?
Si, , et par exemple.

10) Et qu’est-ce qu’on leur souhaite pour leurs dix ans?

Peut-être paradoxalement, un monde où Talents Hauts n’aurait plus besoin d’exister sous sa forme actuelle, j’imagine…

Allez, joyeux anniversaire, Laurence, Mélanie, Justine, et autres complices, et tous les auteurs et illustrateurs auteur-e-s et illustrateurs/trices Talents Hauts!

Dans ton feedly

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Petit billet motivé par un message de Séverine Vidal sur Facebook, disant que Facebook est nul pour promouvoir les pages auteur (vrai), qu'il faut absolument réhabiliter les blogs (vrai), qu'il y a de moins en moins de commentaires sur les blogs (vrai).

Mais d'autres personnes ont ajouté que c'est plus difficile de suivre les blogs car ils ne sont pas regroupés en un même endroit sur un mur.

FAUX!

Les amis, vous n'avez pas d'agrégateur de blog? Il y en a plusieurs, ils sont super pour suivre vos blogs préférés, et je vous conseille fortement Feedly.

On s'inscrit, on y importe les blogs qu'on veut (c'est très facile) et on y accède en cliquant l'icône verte à la droite de la barre de recherche (à côté de la flèche qui va vers le bas dans l'image ci-dessous)

Ca ressemble à ça:


Tout à droite, les suggestions. Au milieu, un grand espace montrant un aperçu des blogs mis à jour récemment. A gauche, la barre verticale avec les blogs classés par catégorie.

Et quand tu cliques sur la page d'un blog en particulier tu peux voir les derniers billets. Ex: celui d'Anne-Gaëlle Balpe:



Voilà. Très simple, et si tu cliques sur un article tu peux (sauf si l'auteur du blog a désactivé cette option) le lire directement dans Feedly.

Exemple:


Voilà les amis. Il est donc très facile de s'abonner à des blogs et de les recevoir sur un seul et même mur, de manière lisible, agréable et aussi facile à 'zapper' si on n'a pas envie de lire tel ou tel article.

Joyeuse blogopromenade!

La tête dans le guidon

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Bric-à-brac de tintamarre de vacarme de nouvelles en vrac...

... surtout autour des Petites reines, qui sort très vite bientôt le 1er avril! Allez, teasons, teasons:



Je trouve ces 20 secondes parfaitement coolissimes, étant donné qu'elles exhibent avec enthousiasme une abondance de saucisses en chapelets. Il y a un chaton mignon tout rond, ce qui n'est pas pour me déplaire, et aussi un vélo, dont on trouvera trois exemplaires dans le livre en question.

Le félin s'appelle Babyboule. Il est beaucoup trop gourmand.

J'ai aussi donné quelques interviews autour de la sortie des Petites reines, et de son acolyte pour plus jeunes Carambol'Anges:

- Ici chez les bien-nommés Bob et Jean-Michel
- là chez Marinette
- ici chez Gaëlle la libraire!

Il y a déjà quelques chroniques des Petites Reines, par Audrey, Bob et Jean-Michel, Marinette!

On a aussi eu de jolies chroniques avec Anne Rouquette pour les Lettres de mon hélicoptêtre. Les Belges en ont fait un petit article dans le Soir:



...et je suis heureuse qu'Anne Loyer l'ait aussi aimé!

...ainsi que Gaëlle la libraire!

Quoi d'autre? Récemment, j'étais à Alençon à l'occasion du prix A-fictionados. En plus d'être hébergée chez des gens charmants, avec la très chouette Hélène Vignal, et traitées comme... eh bien, comme des petites reines, on a pu voir un peu la région et répondre aux questions des ados sur nos bouquins - de mon côté, c'était Comme des images, du côté d'Hélène, Casseurs de solitudes.

Comme souvent je suis impressionnée par la qualité des questions, la profondeur de réflexion des ados autour de ces livres. Et par l'audace et l'énergie des profs et documentalistes qui n'hésitent pas à se lancer dans des projets longs, difficiles, comme de faire lire et étudier six livres (!) à leurs élèves pour le prix A-fictionados dans ce cas-ci. Que ferait-on sans de telles initiatives, partout en France? Ces volontaires et passionnés sont les infatigables caryatides de la lecture - merci!

Quelques souvenirs:


Saint-Céneri (merci Marc-Antoine de m'y avoir emmenée!)

idem, autre angle...
à la fantastique librairie du Passage à Alençon, chapeautée par Stéphanie qui est géniale
!
J'ai mangé cent mille milliards de fromages:


Voilà les amis, on en est là pour le moment. Là c'est la fin du trimestre et j'essaie désespérément de bosser un peu sur mon projet de recherche tout en me préparant à la sortie des Petites reines et de Carambol'Ange et, en Angleterre, des Royal Wedding-Crashers. J'ai pris du retard, ayant chopé une angine carabinée la semaine dernière sans doute à cause d'une visite scolaire. Chacun sait que les préaux sont plein de miasmes. MERCI LES ENFANTS! C'EST QUE DU BONHEUR.

Je les aime bien quand même va.


Article 0

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Puisqu'aujourd'hui, c'est le 1er avril, je vous invite à découvrir dans Toutelébonnelibrairie (ce pays magique où il y a toujours tous les bons livres) mon bouquin pour petits poussins Carambol'Ange et mon nouveau roman ado Les petites reines.

(Bon, quand je dis 'je vous invite', c'est vous qui faites chauffer la CB hein, on se comprend.)


Si vous ne lisez pas ces livres, ces mignons petits cochons seront tristes. Je serai triste. Mais surtout, vous serez triste, car vous aurez manqué une occasion de ricaner en lousdé pendant que l'année 2015 continue à bien nous saouler.

Pour voir ce que l'on dit des Petites reines, il y a les chroniques déjà notées dans le post précédent, et on peut aussi demander à Mademoiselle Bouquine, pour qui il y a 'un point négatif: J'en veux encore!' (heureusement que je suis en train d'écrire une suite, où elles vendront du poisson). Gaëlle la Libraire a ri ici - et elle a aussi lu Carambol'Ange là! D'un livre à l'autre parle aussi des Petites reines qui fait du bien au moral, paraît-il.


Je vous laisse car je suis sur un ordinateur qui n'est pas le mien, qui est en plus un Mac, bref toutes les conditions sont réunies: j'ai mis quatre heures à ajouter chaque photo ou lien. J'ai l'impression d'avoir 120 ans. Mais on se retrouve bientôt? Je serai ce samedi de 14h30 à 18h30 à la librairie Montbarbonà Bourg-en-Bresse - ce n'est pas une coïncidence car Les petites reines commence dans cette jolie ville, qui est aussi celle d'une très copieuse partie de ma famille. Venez donc me rendre visite si vous êtes dans le coin!

à bientôt à vélo ou en voiture volante!

P.S. Oui, il y aura un concours... quand j'aurai récupéré mes exemplaires auteur! le plus tôt possible j'espère.


Balèze Hazebrouck!

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Je suis revenue il y a quelques jours du grand Nord où il y avait du soleil!

Gaël Aymon en a déjà fait un compte-rendu,
Hélène Leroy un autre, avec en plus beaucoup de détails sur notre table ronde - merci!

donc que dire de plus?

A part que si vous allez à Hazebrouck pour les Bouquinales, vous serez choyés, cocoonés, chouchoutés, vous prendrez six kilos à force de manger du maroilles et des frites et du potjevleesh (limite Weight Watchers le potjevleesh en comparaison au reste), et que vous rencontrerez des enfants et des ados hyper bien préparés par des profs et des documentalistes enthousiastes, adorables et motivés, bref... le pied!

auteurs ravis illustrant l'expression 'le pied!' dans les escaliers de la mairie
Vous pourrez vous échapper pour une après-midi sur la plage...







Vous vous ferez plein de nouveaux potes et en reverrez d'autres...

Caroline, qui chante très bien du Michel Legrand

Gaël, mon frérot de publications

Jérôme et Isabelle, qui...euh... font la pub de mon livre
et la prolifique, adorable et courageuse Yaël


A Hazebrouck, il y a des animaux dans un parc, et aussi des moulins.







Mais aussi et surtout, à Hazebrouck, il y a des enfants qui étudient pendant trois mois les livres des auteurs, et qui ont préparé tout ça quand on arrive:
















Alors forcément, les auteurs sont très fiers:



Et donc ils font des positions idiotes:

Merci, GRAND merci, entre autres, à Damien; à Anita et Frédéric au gîte; à Fanny, Véronique et Linda; à M. Olivier et Mme Wasselynck; à Nathalie et à Françoise. Et à tous les enfants qui sont revenus nous voir et aux ados qui ont pris part à la table ronde - Marine, Rosine, Ilyana, Léa, Maxence, Damien; à Corentin qui m'a guidée dans les couloirs du collège... et à tous les autres qui avaient préparé des questions et des réflexions et des suggestions. Bises à tous!

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Question subsidiaire: qu'est-ce qui peut rendre une auteure encore plus heureuse? 

1) Que son album La louve soit nominé au Prix des Incorruptibles
2) Que ledit album ait gagné le Prix des P'tits Loups de l'Essonne (et que c'est en plus son premier prix ever)
3) Que son roman Les petites reines ait plein de super chroniques (merci les blogueu/r/ses, ohlalalala)
4) All of the above?

Réponse 4. Très heureuse donc alors que le trimestre va reprendre et que les tâches administratives me mettent au bord de la crise de nerfs et que je ne sais pas si je vais pouvoir tout faire à la fois, la recherche l'enseignement l'écriture les visites les colloques les candidatures labyrinthiques à des postes partout partout... Du calme, du calme...

à très vite.

Lire dans les pensées des enfants

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Quand j’étais petite, j’étais convaincue que ma mère pouvait lire dans mes pensées. C’était une conviction un peu étrange, parce que je savais qu’en théorie ce n’était pas possible, et pourtant c’était un fait empiriquement prouvé. Elle savait toujours quand je mentais, quand je n’étais pas vraiment malade, quand j’avais en effet sommeil, quand je mangeais par gourmandise et non pas parce que j’avais faim, etc.

Ses dons de télépathie étaient absolument flippants. Par exemple, une fois, je devais avoir 7 ou 8 ans et je revenais d’une semaine passée avec ma tante, qui venait d’adopter un petit chaton. J’adorais les chats, et j’avais donc passé toute la semaine à jouer avec le chaton, dont je savais très bien qu’elle grandirait très vite et qu’elle serait la prochaine fois un grand chat qui peut-être - horreur - m’aurait oubliée.
ma vision des chatons à l'époque
J’étais donc écrasée de tristesse en rentrant chez mes parents. Ma tante m’avait déposée en bas de l’immeuble; à peine lui avais-je dit au revoir que j’avais éclaté en sanglots. Comme j’étais non seulement une chochotte mais aussi extrêmement orgueilleuse, je ne voulais pas que mes parents sachent que je pleurais à cause du chaton. Donc, en arrivant en haut de l’immeuble, j’avais prétendu que je devais mes flots de larmes à une chute dans les escaliers. Ma mère m’avait consolée comme il se doit:

“Pauvre choupette! Tu t’es fait mal?” (bisous, câlins, etc)
[moi: oui, horrible, je souffre le martyre, etc]
La télépathe: “Mais c’est aussi que le petit chat va te manquer, hein?”

Complètement abasourdie par cette lecture éhontée de mes pensées les plus intimes et, me semblait-il, les plus honteuses, j’avais ajouté cette anecdote au flot de micro-confirmations que ma mère était en effet capable de voir dans ma tête.

Une autre fois, en vacances à la montagne, j’étais allée me promener avec mon oncle. Soudain, un petit chien - minuscule - s’était mis à me courser en jappant comme un imbécile. A l’époque je détestais les chiens autant que j’adorais les chats, et j’avais eu très peur. Mon oncle avait raconté l’épisode (sans se moquer de moi) le soir au diner.

ma vision des chiens à l'époque

La nuit suivante, j’avais fait un cauchemar: le petit chien minuscule revenait me poursuivre avec ses jappements horribles. Etant, comme précisé plus haut, extrêmement chochotte, je m’étais levée pour aller squatter le lit de ma mère en geignant que j’avais fait un cauchemar.

“Pauvre choupette! [j’étais souvent une pauvre choupette] Et c’était quoi ce vilain cauchemar?”
Etant, comme précisé plus haut, extrêmement orgueilleuse, il était hors de question de raconter que j’avais rêvé être coursée par un tout petit chien. Donc j’avais un peu embelli la, heu, réalité onirique: “J’ai rêvé que j’étais poursuivie par un énorme chien!”

Et là ma mère m’avait clouée sur place en disant: “Mais enfin, ma puce, c’était un tout petit chien!”

Evidemment, j’ai compris plus tard qu’elle faisait référence à l’épisode de la veille - mais pour moi à l’époque, elle faisait référence à mon cauchemar même, auquel elle avait clairement assisté directement dans mon cerveau.

Comme j’étais sûre/pas sûre que ma mère était capable de lire dans mes pensées, j’avais élaboré une sorte de pratique superstitieuse bizarre de défense psychique. Dans mon imagination, ma mère pouvait seulement déployer ses dons de surveillance télépathe foucaldienne si on touchait la même ‘surface’. Donc par exemple, si on était assises à table et qu’on touchait toutes les deux la table, elle pouvait lire dans mes pensées. Mais si j’enlevais mes coudes de la table, bim! dégoûtée la mère, plus d’accès à mon cerveau (le sol ne comptait pas comme ‘surface’).

Il y avait des zones d’ombre: pouvait-elle lire dans mes pensées dans la voiture? Dans un avion? Sur des sièges de cinéma, où chaque siège est distinct mais relié? J’étais sûre/ pas sûre que oui.

Avec le temps, j’ai arrêté de croire/ pas croire à ce fait indubitable, mais une fois, quand j’avais treize ans, alors que je faisais tranquillement un truc dans la cuisine en sifflotant, ma mère m’a dit: “Qu’est-ce qu’il y a, t’es amoureuse?”

J’étais évidemment amoureuse, étant donné que j’avais treize ans, mais cette fois-ci c’était le Vrai Amour Réel, un amour total, impérissable et pour la vie, dont le sublime objet était un garçon dont j’avais gravé le prénom sur ma règle avec mon compas. (Malheureusement le mec en question ne connut jamais mon prénom à moi, vu que je me cachais sous un rideau de cheveux en rougissant comme un poivron à chaque fois qu’il s’agissait de traverser un couloir dans lequel il rigolait avec ses potes.)
ma vie telle qu'elle n'était pas
Bref, là j’avais eu un moment de WTF Mé KOMAN ELLE LE SAIT et une réactivation brutale de la superstition enfantine.

Comme, donc, bis repetita, j’étais très orgueilleuse, j’étais partie en marmonnant que n’importe quoi d’abord.

Maintenant que je suis très grande, les dons de télépathie de ma mère n’ont pas faibli mais j’ai une approche un peu plus rationnelle du phénomène. Et en attendant, j’ai développé moi-même une certaine capacité à lire dans les pensées des enfants. Comme beaucoup d’auteurs jeunesse ou de profs peut-être, on voit tellement d’enfants qu’on finit par cerner assez bien lesquels pensent quoi à quel moment.

Quand il y a des timides au fond de la classe dont tu vois qu’ils meurent d’envie de poser une question, en fin d’heure, tu leur dis d’un ton dégagé, “Et toi, tu n’aurais pas quelque chose à dire?” et là on reconnaît sur leur visage la même expression perplexe qui était la mienne à l’époque: “Mais comment elle le sait?”

A Noël dernier, ma petite filleule de quatre ans et demi nous faisait le coup de pleurnicher pour je ne sais plus quelle excuse bidon alors qu’il était très clair qu’elle était juste triste de devoir partir de la maison familiale après les fêtes et de quitter cousins, cousines, parrain, marraine, grands-parents et oncles et tantes. J’étais très tentée de lui dire “C’est surtout que tu es triste de partir, non?”

Mais finalement ça ne me regarde pas, car même si c’est évident, ça reste son choix de ne pas nous dire ça et de nous faire croire que c’est autre chose.

Hier mon confrère Antoine Dole a publié sur son mur Facebook une lettre qui lui a été envoyée par des jeunes ados, adressée aux ‘auteurs jeunesse’ en général. Je ne vais pas la reproduire ici car il ne l’a pas rendue publique, mais c’est une lettre assez touchante où les élèves remercient les ‘auteurs jeunesse’ de verbaliser leurs angoisses, leurs désirs etc.

Mais jusqu’où? J’ai eu récemment une expérience un peu chaotique où j’ai dû déchiffrer (avec l’aide et le soutien de mes potes auteur/es et bibliothécaires, merci!) les intentions d’un ado. Est-ce qu’il me lançait un appel à l’aide, ou pas? Qu’est-ce qui se passait véritablement dans sa tête? Notre conclusion, peut-être erronnée, a été que l’ado n’aurait pas bien accueilli une ‘verbalisation’, ou une clarification, une extrapolation par l’adulte de ce qui se passe - peut-être - dans sa tête.

J’ai toujours du mal avec ces bouquins de self-help de parenting américains où il faut toujours essayer de reformuler pour le gamin ce qui lui est censé lui arriver, essayer de deviner, de comprendre et de verbaliser. C'est parce qu'évidemment, ce n'est pas toujours facile. On fait grand cas de la difficulté à savoir ce que les enfants ressentent.

Il y a un passage génial de Colette dans La maison de Claudine, où elle est angoissée parce que sa fille coud, et quand elle coud, ‘Elle se tait, elle… Ecrivons donc le mot qui me fait peur: elle pense.’ … ‘Elle pense “à gros bouillons”’. Les adultes ont peur quand il y a de la friture sur la ligne télépathique.

Mais il me semble que le problème n’est pas toujours que la psychologie de l’enfant est parfois opaque; le problème est aussi qu’elle est souvent transparente. Et ce n’est pas parce qu’on peut lire dans ses pensées qu’on doit forcément le faire.

Peut-on apprendre à écrire pour les enfants?

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Aujourd'hui, je ne suis pas là. Mais magie d'internet, ce billet s'est auto-posté. Pourquoi ne suis-je pas devant mon ordinateur, c'est-à-dire dans mon habitat naturel, vous demandez-vous avec perplexité? Car je suis ce weekend en train de donner une formation pour adultes de creative writing (écriture créative), plus précisément d'écriture de livres pour enfants, dans la branche de l'université qui s'occupe de la formation continue. C'est très joli, c'est dans un beau petit manoir au nord de Cambridge, regarde:
*musique d'Orgueil et Préjugés*
'dear Lizzie, allons faire un tour du jardin pour raconter les derniers gossips'

Ce n'est pas la première fois que je donne un cours en creative writing; ce trimestre j'en ai donné un de cinq semaines pour grands débutants, au même endroit. Cette fois-ci, c'est un cours d'écriture plus spécifique: comment écrire pour les enfants entre 6 et 11 ans, en gros la période de l'école primaire; ce qu'on appelle en Anglicheland Mid-Grade ou Middle-Grade Fiction (MG).
exemples, pris totalement au hasard, de livres de MG
En Grande-Bretagne et aux Etats-Unis, ces cours de creative writing ont un succès hallucinant. On peut avoir des licences, des masters et des doctorats en la matière, et il ne se passe pas un jour sans que mon alerte email m'annonce qu'on ouvre un nouveau poste en creative writing quelque part dans le pays. Ce sont généralement des lectureships (=postes de prof) à mi-temps, car les universités recherchent des auteurs, et donc il est entendu que l'heureux/se élu/e aura ainsi la moitié de son temps pour écrire. Ces cours peuvent coûter de 9 000 £ par an pour les licences à 15 000 £ ou plus pour les doctorats.

Cambridge ne délivre pas de diplômes en creative writing dans l'université principale, mais cette branche-là de l'université, qui s'appelle ICE (Institute of Continuing Education), en délivre en formation continue, pour adultes. Ce sont toujours des cours à mi-temps. Là, en l'occurrence, le cours que je donne est non-diplômant; c'est juste un weekend course de quatorze heures.

Le creative writing est donc un véritable business pour les universités en Anglo-Saxonie, et certaines d'entre elles sont très reconnues (Warwick, Bath Spa, Manchester Met...). L'extraordinaire Sarah Crossan, par exemple, qui a écrit The Weight of Water, est passée par le Master en Creative Writing for Children de Warwick. Les listes sont vraiment très longues, en littérature adulte et jeunesse, des auteurs à succès qui sont passés par-là - et pas des moindres, puisqu'on y trouve par exemple Ian McEwan. De nombreux auteurs enseignent dans ces cours, par exemple Margaret Atwood au Canada.

ceci est l'un des plus beaux livres pour ados de ces dernières années

Ces cours sont parfois critiqués. L'année dernière, on a eu droit à une mini-tempête après les propos d'Hanif Kureishi qui a dit que ces diplômes étaient 'une perte de temps' et que la plupart de ses élèves n'avaient aucun talent. Mais il est indéniable que ces cours mènent à de nombreuses publications. L'oeuf ou la poule? Les élèves étaient-ils déjà de bons auteurs qui se sont juste acheté une année de libre pour écrire 'leur' livre? Ou sont-ils vraiment aidés par l'enseignement dispensé?

En France, on commence très timidement à voir ce genre de cours, mais ce n'est pas encore normalisé. Personnellement, j'avais un avis très négatif. Et quand on m'a demandé de donner des cours à ICE, j'ai d'abord eu un énorme syndrome de l'imposteur - ça me semblait absurde d'estimer que je pouvais apprendre aux autres à écrire alors que ça faisait si peu de temps que j'écrivais moi-même. 

Et puis je me suis dit que ce serait une expérience intéressante. J'ai décidé de mettre de côté mes a priori et de réfléchir à une manière d'enseigner l'écriture sans donner aucun conseil strict. Je me suis dit qu'il fallait que je joue davantage sur mon véritable terrain d'expertise - l'analyse littéraire de la littérature jeunesse - plutôt que sur ma soi-disant expertise de l'écriture elle-même.

Mon cours est divisé en plusieurs sessions assez attendues: débuts, caractérisation, structure, style et ton, sérialité, et genres, en insistant toujours sur le fait que ces catégories sont liées. Et on finit toujours par une session sur comment être publié, c'est-à-dire comment écrire un pitch, une lettre à un agent, un résumé, etc; pragmatisme anglo-saxon oblige, on ne fait pas tout ça pour 'rien'.

C'est cette utilitarisme qui, je pense, fait la différence entre ces cours et ce qu'on appellerait plus communément des ateliers d'écriture. Bien sûr on veut y trouver du plaisir aussi, mais il est question ici d'acquérir de vraies compétences et de devenir efficace, pas (seulement) de 'se découvrir' en tant qu'auteur. Ca ne suffirait pas de leur faire écrire 'ce qu'ils veulent', de les aider à s'exprimer. Il faut leur dire si ce n'est pas commercialement viable, et il s'attendent à être instruits précisément sur ce qui constitue une structure type ou des personnages types pour tel ou tel genre de livre. Les angliches ne rigolent pas avec ce genre de choses.

L'équilibre est donc précaire entre enseigner des 'recettes' commerciales et encourager une écriture de qualité ou plus personnelle... La règle d'or pour moi est de s'immerger dans de textes d'auteurs jeunesse de qualité et commercialement viables, et de voir ce qu'ils font de bien.

Je force donc mes élèves à faire de l'analyse de texte. Par exemple, quand on parle de rythme, je leur donne ce passage magnifique de Tom's Midnight Garden, de Philippa Pearce:

The hall of the big house wasnot meannorwasitugly, but itwasunwelcoming. Hereitlay at the heartof the house… and the heart of the house wasempty– cold – dead. … Tom heard the onlysoundthatwent on: the tick, and thentick, and thentick, of the grandfather’sclock.
Et on analyse la manière dont la phrase 'empty - cold - dead' ralentit la voix et alourdit l'atmosphère, alors que 'the tick, and then tick, and then tick, or the grandfather's clock', en de gracieux anapestes (tadaDAM!), frappe les secondes de l'horloge...

Si on parle d'intrigue et d'intrigues secondaires, on se plonge dans la mécanique compliquée et géniale du troisième Harry Potter, avec toutes ces histoires apparemment non liées - le rat échappé, les apparitions subites d'Hermione, le disque argenté de Lupin, le saule cogneur, l'hippogriffe enragé - qui finissent tous par se rencontrer dans le grand final.

Quand on parle d'humour, je lis à voix haute les premières pages d'un David Walliams et on analyse pourquoi on rigole. Si on veut analyser les ressorts de l'émotion, on se plonge dans du Jacqueline Wilson ou la fin du Petit Prince.

souvent j'arrive même pas à le lire tellement je rigole
Je leur fais faire aussi évidemment des exercices d'écriture, généralement assez courts - 5 à 10 minutes - à partir d'illustrations (que se passe-t-il dans cette image? raconter en dialogue/ en description/ en utilisant la voix d'un personnage tout juste créé, etc), ou alors de 'writing prompts'('un enfant débarque dans cette pièce en courant. Pourquoi? Raconter la scène, de son point de vue, d'une manière comique; puis émotionnelle; puis effrayante'... etc).

Les élèves ne connaissent pas forcément beaucoup de textes récents pour la jeunesse, et ont tendance à ne lire qu'un seul type de livres. Beaucoup m'ont dit que c'était une vraie découverte de voir ce qui se faisait en ce moment, la richesse et la densité de l'écriture pour la jeunesse actuelle. La plupart de ces gens n'ont pas fait d'analyse littéraire depuis le collège (c'est-à-dire depuis plus de quarante ans parfois!) mais se replongent avec bonheur dans cet exercice quand il s'agit de voir vraiment comment fonctionne un texte, au niveau microscopique, et comment on peut s'en inspirer.

Et personnellement, ce cours m'a beaucoup apporté aussi car malgré des années à étudier la littérature jeunesse, j'avais toujours cloisonné les deux aspects de ma vie pour éviter toute contamination; je ne pensais pas à l'écriture quand j'analysais, ni à l'analyse quand j'écrivais. Maintenant, je m'autorise un peu plus de fluidité.

Bref, je m'auto-souhaite que tout se passe bien en ce moment, mais si c'est comme la dernière fois, je suis sûre que je suis en train d'y trouver beaucoup de plaisir et d'intérêt. J'imagine qu'il y en a parmi vous qui sont sceptiques, mais je pense désormais qu'il faut essayer avant de juger. 

Ambassadeur/drice de la littérature jeunesse: Une idée à piquer aux Anglais?

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Je suis la première à me plaindre de beaucoup de problèmes dans la vision qu’ont les Anglais de la littérature jeunesse actuellement et la production qui s’ensuit, mais il faut bien leur reconnaître une chose: pour eux, la littérature pour enfants compte énormément. Quel autre pays au monde aurait fait référence à tant de classiques du livre jeunesse lors de sa cérémonie d’ouverture des J.O.? Même si l’âge d’or du livre jeunesse anglais est, selon moi, bel et bien passé, la Grande-Bretagne conserve un respect particulier pour les auteurs, illustrateurs et livres pour enfants.

exemple d'auteure jeunesse britiche, pris totalement au hasard

Et l’une des belles inventions de ce pays-là, c’est le Children’s Laureate, un poste créé par l’auteur Michael Morpurgo et le poère Ted Hughes il y a déjà plus de quinze ans. Le Children’s Laureate, c’est un/e auteur/e ou illustrateur/trice jeunesse qui, pendant deux ans de ‘règne’, devient ambassadeur/drice de la littérature pour enfants dans le pays.

Pour être élu/e, il faut être célébrissime: voici la liste des Laureates jusqu’à nos jours:

1999–2001:  Quentin Blake

2001–2003: Anne Fine

2003–2005: Michael Morpurgo

2005–2007: Jacqueline Wilson

2007–2009: Michael Rosen

2009–2011: Anthony Browne

2011–2013: Julia Donaldson

2013–2015: Malorie Blackman

Le nouveau Children’s Laureate, l’illustrateur Chris Riddell, a été élu le 9 juin dernier. Le poste est payé £15 000 par an, grâce aux sponsors (publics et privés); ce n’est pas énorme et constitue plutôt une sorte d’indemnisation, car pendant ces deux années le Laureate ne va pas pouvoir beaucoup écrire ou illustrer: son rôle est de représenter ses collègues, et la littérature jeunesse en général, dans les médias et sur le terrain - en intervenant dans les écoles, en participant à des jurys de concours, et en lançant des ‘campagnes’.

Chris Riddell, l'actuel Laureate (Wikimedia Commons)

Attention, il n’est pas question de faire sa propre pub; de toute façon les Laureates sont bien trop connus pour avoir besoin de s’autopromouvoir. Le but est véritablement de soutenir le travail des créateurs/trices, des maisons d’éditions et des libraires et bibliothécaires, en se servant d’une figure de proue aussi connue que charismatique.

Chaque Laureate a, en général, une ‘campagne’ qui oriente son règne. Malorie Blackman, la précédente Laureate, promouvait par exemple en particulier la littérature pour ados. Julia Donaldson, avant elle, avait fait campagne pour les bibliothèques, Anthony Browne pour le dessin.

L’élection de chaque Children’s Laureate est un événement médiatique d’une importance considérable. La nouvelle est dans tous les médias. Le ou la nouvel/le ambassadeur/drice est amplement interviewé/e, et son emploi du temps de ministre pour les 2 prochaines années commence directement à se remplir.

Imaginez ça chez nous (enfin, chez vous, parce que moi, j’habite en Angleterre…):

Claire Chazal, JT de 20h: Timothée de Fombelle, bonsoir!
T de F: Bonsoir!
CC: Vous venez d’être élu Ambassadeur de la Littérature Jeunesse en France. Qu’est-ce que ça fait de prendre la succession de Susie Morgenstern, Pef, Marie-Aude Murail et Rébecca Dautremer, entre autres?
T de F: Je suis très ému qu’on m’ait confié une telle responsabilité, et je veux d’ailleurs rendre hommage au travail de mes prédécesseurs, grâce à qui nous avons désormais acquis un Ministère de la Littérature Jeunesse, une statue géante de Marlaguette place Vendôme, et des subventions considérables aux auteurs et illustrateurs jeunesse ainsi qu’aux éditeurs.
CC: Quelle sera votre campagne en tant qu’Ambassadeur?
T de F: Je militerai pour la création d’un arbre-monde plein de bouquins dans toutes les villes de France, dans lequel aller se réfugier pour bouquiner quand on en a ras le bol d’entendre parler de l’Etat Islamique et du FMI. 
CC: Comment allez-vous gérer tous vos nouveaux dossiers?
T de F: Il est déjà prévu que j’embauche Nathan Lévêque et Audrey Tribot pour m’aider.
CC: Très bien. Nous sommes rejoints dans ce studio par le petit Jean-François Copé, de la ville de Meaux, qui voudrait que vous lui lisiez Tous à poil en faisant des voix différentes.
T de F: Avec grand plaisir.
Ce serait quand même plutôt très cool. Je vous laisse méditer ces bonnes paroles, et on se retrouve de l’autre côté de la crise financière/ existentielle/ climatique pour en discuter plus sérieusement avec les autorités compétentes. (Faut garder espoir dans la vie.)

Bises bruineuses d’un Cambridge tropical!

Lettre ouverte aux éditeurs de romans classiques (tl;dr: ARRETEZ DE NOUS LES SPOILER, PUTAIN!)

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Warning: Gros Mots.

Chers messieurs (et quelques rares dames) de chez Gallimard, Garnier-Flammarion, Pocket, Folio et compagnie, qui rééditez des classiques de la littérature française avec des jolies notes, des belles introductions, des contextualisations historiques et des quatrièmes de couverture,

Je suis votre coeur de cible. Je lis des classiques, beaucoup, vite, et pour le plaisir. Je suis prête à débourser 8€50, 9€50, 12€50, or more, pour pouvoir lire L’Assommoir ou Le Grand Meaulnes en l’agréable compagnie de vos notes de fin et de bas de page. Comme je suis moi-même universitaire, j’ai beaucoup de patience et de respect pour vos commentaires, explications et extrapolations, et je les lis religieusement. La plupart du temps, c’est très utile.

Exemple d’une note (plus ou moins) utile.

Mais une fois de temps en temps, salopard d’éditeur, j’ai envie de t’entailler la face à coup de livre de poche.
Pourquoi? Parce que:
 
POURQUOI, ESPECE DE BATARD, TE CROIS-TU SI SOUVENT OBLIGE DE ME SPOILER L’INTRIGUE???

Je ne lis jamais ta préface, ton introduction et ta postface avant de lire l’histoire elle-même. Je sais qu’il est normal d’y trouver des spoilers, donc je me garde ça pour la fin. Mais les notes de bas de page et les notes de fin, putain, on est censé les lire en même temps, non? espèce de naze. Pourquoi, pourquoi, pourquoi y mettre CECI:

LE TRUC EST GENRE PAGE 30

[J’ai bloqué les noms histoire de pas vous spoiler, vous, parce que moi je suis gentille pas comme ces salauds]

ET CA??????????????????

note gaiement rédigée à l'époque de lecture

ET LA PUTAIN J'ETAIS DANS L'EUROSTAR EN LISANT CA J'AI CRU QUE J'ALLAIS ETRANGLER MON VOISIN

EUROSTAR ANGER

ET ATTENDS, ATTENDS, sérieux - tu me fous CA sur la QUATRIEME DE COUV????


SALOPARD

Tu sais ce qui m’énerve le plus dans cette pratique dégueulasse? C’est que tu montres au monde que tu n’es qu’un gros con de snob. Et que les conséquences de ton gros con de snobisme sont désastreuses pour l’accès de tous à la littérature classique.
Pourquoi? Pour les raisons suivantes:

1) Tu penses comme un gros con de snob que l’intrigue, c’est pour les ploucs.


Moi aussi je suis snob, dans le sens où je pense aussi, comme toi, que ces histoires-là (et leurs équivalents contemporains) sont ce qu’il y a de plus beau, de plus profond, de plus significatif et de plus enrichissant au monde. Moi je pense comme toi que c’est une des merveilles et des délices de l’existence. Je te confirme donc que je suis comme toi une snob.

Seulement je suis aussi une lectrice de ‘paralittérature’, de romans policiers, de comédies, de BD et de tous ces trucs que toi tu lis pas vu que t’es un encore plus gros con de snob que moi. Et je sais ce qui se passe dans ta tête. Ce n’est pas assez pour toi d’être snob au point de n’aimer QUE les classiques. Il faut aussi n’aimer QUE les classiques QUE pour le langage. Pas pour l’intrigue. L’intrigue, c’est pour les gens qui regardent Les ch’tis à Miami. L’intrigue, ce n’est qu’un truc déplaisant qui se met en travers de, ou à la rigueur offre un prétexte pour, La Langue.

Oh oui bien sûr ils se marient à la fin/ elle meurt/ il la rejette/ elle se venge mais ça n’a aucune espèce d’importance. J’espère quand même que vous ne lisez pas ce livre pour ce qui s’y passe??? Ce qui est intéressant ce n’est pas le mariage, c’est-la-manière-dont-le-mariage-est-subtilement-évoqué-par-des-métâphôres.


Et VLAN tu spoiles car spoiler est un moyen de faire passer le message suivant au lecteur: message essentiel: lecteur, tu voulais lire ‘pour l’intrigue’? Ben non tu peux pas. C’est pas bien. Faut pas. Bam tiens prends-toi l’événement final dans ta gueule alors qu’il te reste trois cents pages.

Cher éditeur, laisse-moi t’apprendre une chose: en faisant ça tu n’es qu’un réac débile et en plus fermement en retard sur les cinq dernières décennies de critique littéraire. Il est fini le temps où on pensait qu’il pouvait y avoir détachement du ‘fond’ et de la ‘forme’, de ‘l’intrigue’ et de la ‘langue’. Tu n’est qu’un abruti si tu penses que l’une a moins d’importance que l’autre.

‘Lire pour l’intrigue’ ça n’existe pas. On ne lit pas Aurélien ‘pour l’intrigue’. Si on est parti dans Aurélien, on est parti dans une expérience de lecture qui est compacte et cohérente et passionnante et où la langue, la caractérisation des personnages et l’intrigue ne font qu’un. Tu me spoiles l’intrigue, ben tu me spoiles le reste. Je te hais.

2) Tu penses comme un gros con de snob que ‘tout le monde sait’ que X ou Y se passe dans tel ou tel classique.


J’ai un bac+7 et j’ai lu plusieurs milliers de livres dans ma vie. Je lis quotidiennement des articles universitaires qui mentionnent en les spoilant tout un tas de classiques (pratique totalement acceptable dans un article universitaire; on sait à quoi on s’expose). Je parle quotidiennement à des gens qui sont de gros lecteurs.

Eh bien NON, je ne savais pas que dans un immense classique de la littérature française lu récemment, l’héroïne mourait. Dingue, hein? Toi tu devais le savoir à la naissance, je sais pas comment t’as fait, mais moi non, j’avais réussi à esquiver l’info.

J’aurais bien aimé qu’après 26 ans à esquiver l’info, tu ne me la spoiles pas 2 HEURES AVANT que j’en fasse moi-même la connaissance. Tu fais chier putain.

3) Tu veux montrer comme un gros con de snob que t’arrives bien à trouver les moments du texte qui sont des allusions à la fin du texte.


Putain coco, t’as fait hypokhâgne/khâgne/Normale/Agreg de lettres, et t’es capable de voir que dans la description d’une bouteille de parfum ‘à la senteur toxique’, il y a une allusion discrète à un suicide au poison? Mais t’es trop un génie mon gars. Franchement je vois ça je suis là “OUAH LE MEC QUOI! COMMENT IL A DEVINE!!!!???”

En fait on est d’accord t’as rien deviné du tout, t’as lu le bouquin et ensuite t’es allé chercher les ironies tragiques et autres signes annonciateurs. C’est très bien, c’est ce qu’il faut faire. En effet, ça ajoute du relief à un roman quand on comprend comme l’auteur prépare subtilement la fin au début.
J’AI DIT SUBTILEMENT
T’AS VU EN FAIT QUAND L’AUTEUR IL MET DES PETITES ALLUSIONS
EN FAIT A PRIORI IL VEUT PAS VRAIMENT
VRAIMENT
QU’ON DEVINE TOUT DE SUITE
L’AUTEUR IL EST PAS CON IL VA PAS S’AUTO-SPOILER
TOI T’ES CON PAR CONTRE
Maintenant je vais te donner une stratégie géniale pour ne pas spoiler: au lieu d’indiquer en page 43 que tel élément est un signe annonciateur de l’événement qui se passe en page 529, tu peux attendre la page 529, et là tu te défoules, mon chou: là tu mets une note de bas de page en disant ‘moi je sais! Moi je sais! en fait on savait ça déjà en page 43 tu te souviens? C’était une petite anticipation très intelligente!’ et là moi je retourne page 43 et je me dis ‘ooooh! C’est vrai! C’est chouette! Merci, j’avais pas remarqué,’ et je te fais un bisou.

Au lieu de t’envoyer mon poing dans la gueule.

EN RESUMé:
En spoilant l’intrigue, cher éditeur, tu envoies le message suivant aux lecteurs:
- Ils ne doivent pas lire des classiques pour l’intrigue.
- Ils doivent déjà connaître les classiques avant de les avoir lus.
- Ils doivent remarquer en lisant les éléments qu’on peut seulement remarquer en relisant.
En gros, ton lectorat, c’est pas moi et d’autres, c’est juste toi et tes potes. Des gens qui ont un peu de sérieux s’il vous plaît, qui étudient un texte et s’intéressent à ce qui t’intéresse.

Et ce qui me désole le plus, c’est que comme un gros con de snob, tu t’en fous que cette pratique soit rédhibitoire pour des lecteurs curieux.

Il y a des gens qui voudraient lire sans doute des classiques mais qui ne se reconnaissent pas dans les messages, dans l’idéologie implicite de lecture, que ce genre de notes de bas de page envoient. C’est une philosophie qui ne leur correspond pas et ils se sentent exclus. Moi je me sens exclue quand je lis une note de bas de page qui spoile, parce que j’ai l’impression que tu me dis que tu veux pas de moi comme lectrice. Tu as une idée très claire du lecteur que tu veux; c’est pas moi.

Tu devrais me choyer, me chouchouter et me gâter, et respecter mon mode de lecture, parce qu’il n’y en a pas des tonnes de gens, de nos jours, qui vont acheter tes rééditions de classiques. Au lieu de mépriser les gens qui passent d’un Dan Brown à un Zola (j’adore les deux), et de ne vouloir QUE les gens qui ne lisent QUE du Zola, tu devrais encourager cet éclectisme.

Mais comme tu es bête, mou et ventripotent, et que tu as très intelligemment cartographié tout le système de résonances dans L’éducation sentimentale, tu préfères t'aliéner une grande partie de ton lectorat potentiel.

Ton lectorat?
Ah non merde, c’est même pas ton intrigue que tu spoiles. C’est celles de Zola, Proust, Flaubert, Maupassant, Stendhal, etc.
Si j’étais eux, tain, j’aurais les boules.

Cordialement,

Clémentine

P.S. Spoiler: le vieil universitaire cacochyme meurt à la fin. Dans d’atroces souffrances.


Les romans qu'on écrit en dormant


14 juillet

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C'est le 14 juillet les amis!

Ca veut dire défilé militaire, avions VROUM dans le ciel, jour férié (enfin, pour vous - chez moi en Anglicheland je peux te dire que c'est pas férié)... et aussi l'arrivée de Mireille, Astrid et Hakima à la garden-party de l'Elysée!

Vous vous souvenez? Heureusement, la miraculeuse équipe de Sarbacane, et en particulier la funissime Charlène, vous ont fait des captures d'écran de BFM TV et de TF1 en cette occasion!







De grands moments de télévision... j'en ai la larme à l'oeil!


Bon allez je profite de cette couverture médiatique 100% authentique pour vous rediriger vers une page qui recense encore plus d'articles, et aussi et surtout des tas de billets de blog - merci, mercimercithankyou les blogueurs et blogueuses qui continuez à soutenir mes 3 boudins! - sur ce petit roman qui pédale qui pédale qui pédale.

Bises!

Clémentine

Mon bébé royal a traversé la Manche

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Jeu des sept erreurs: sauras-tu trouver les différences entre ces deux couvertures? 


Les Royales Baby-sitters - Tome 1 - Les bébés, ça pue !

... gagné! la deuxième est plus jaune! 

Je vous présente Les royales baby-sitters, qui sort aujourd'hui chez Hachette Jeunesse. Un livre pas tout à fait new pour moi, et en même temps totalement nouveau, puisqu'il s'agit d'une traduction de mes Royal Babysitters anglais, sorti l'année dernière chez Bloomsbury, et illustré par Becka Moor. 

(Non, la traduction n'est pas de moi, elle est d'Amélie Sarn. Et non je ne l'ai pas encore lue car le bouquin n'est pas encore arrivé!)

C'est la toute première fois, tou-toute première fois, first time ever que l'un de mes livres traverse la Manche! Les deux marchés sont très différents (billet de blog à ce sujet ici!), et j'écris de manière très différente en anglais et en français. 

Alors, dis, keskispass dans les Royales baby-sitters?

C'est le premier volet d'une trépidante histoire en quatre temps. L'histoire d'Holly et d'Anna, d'abord, qui voudraient bien partir en vacances (elles ont vu une pub pour des vacances de folie: plongée sous-marine dans un volcan, construction de fusée spatiale, hôtel dix étoiles), mais qui n'ont pas du tout d'argent (leur mère écrit des abécédaires, et elle est payée £1 par lettre; peu de chance qu'elle ait un jour une augmentation). Il faut donc que les deux soeurs se trouvent un job d'été. 

Holly et Anna. Et un bébé pendu par le pied.
Or, il y a justement une petite annonce de job d'été dans leur village (oui, ça se passe dans un monde magique où les gens trouvent du travail): baby-sitters royales. C'est en effet le jour de congé annuel du roi et de la reine de Brittonie. Ils ont juste besoin de quelqu'un de très qualifié, ou alors sinon de pas très qualifié, ou alors en fait de pas qualifié du tout, pour s'occuper de leurs... euh... sextuplés. Le truc facile, c'est qu'ils s'appellent tous Bertie. Le truc moins facile, c'est qu'ils sont survitaminés et doivent être promenés en laisse. 

et ont parfois les fesses à l'air.

Alors qu'Holly et Anna se démènent à baby-sitter ces six affreux petits princes, elles doivent aussi apprendre à composer avec leur grand frère, le prince Pépino. Pépino n'a pas d'amis; il a essayé d'en attraper en les attirant dans un piège avec des cupcakes comme appât, mais ça ne marche pas très bien. Holly et Anna réussiront-elles à supporter l'insupportable Pépino et à devenir amies avec lui? (SPOILER ALERT: c'est probable)

la montre de Pépino, qui indique toujours qu'il est l'heure de manger une glace.

Ah oui et donc en même temps (tu suis? c'est censé être pour les 6 ans et plus cette histoire) qu'Holly et Anna surveillent les sales mioches et essaient de gérer le grand frère, le roi Oroméoroméo de Danelandie, qui a entendu dire que le roi et la reine de Brittonie sont en congé, décide d'envahir le pays et de transformer tout le monde soit en esclaves soit en boulettes de viande. 
le terrifiant Oroméoroméo

La journée d'Holly, Anna et Pépino s'annonce difficile. 

Mais pas désespérée. 

Il y aura de l'action, des projectiles divers et variés (bébé porc-épic, fromages, Pépino lui-même, etc.), un serpent, des sirènes-robots, et bien entendu une étoile de mer qui fait du surf. 

Je vous laisse découvrir cette histoire so british ! Et n'oubliez pas: la vache ne peut pas descendre les escaliers. Je répète: la vache ne peut pas descendre les escaliers.


Le top ten des subtiles crâneries que disent les philosophes dans leurs livres

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10. "Comme tout adolescent qui découvre Heidegger/ Sartre/ Wittgenstein/ Nietzsche, j'ai été captivé..."

'Tout adolescent' lol mdr =D.

En général cette phrase est suivie de 'mais c'est seulement plus tard que j'ai appris à apprécier les philosophes plus difficiles d'accès comme Hegel et Kant'...

9. "Sartre/ Barthes/ Foucault/ Derrida/ Lacan nous paralysait d'admiration, mais c'était quelqu'un de très abordable et de très sympathique. Il me taquinait souvent sur le fait que..."

Exemple type du humble brag (modeste crânerie). Je n'étais à l'époque qu'un petit microbe, mais Grand Philosophe m'accordait quand même de l'attention. En fait il était très chouette comme mec. On rigolait, mais on rigolait! il me chambrait sur plein de trucs.

(Et comme il est mort vous pouvez pas vérifier qu'en fait je l'ai rencontré juste deux fois et il s'est moqué de moi parce que j'avais rien compris à sa critique de la raison dialectique)

Possibles variations:
- "Lévi-Strauss faisait un très bon coq au vin."
- "Maurice était..." (pour dire Merleau-Ponty)

8. "Bien sûr, aletheia, la vérité, signifie étymologiquement un dévoilement; cette notion maintes fois rebâchée, devenue un poncif..."

Tain j'en ai trop marre qu'on me REPETE TOUJOURS L'ETYOMOLOGIE D'ALETHEIA. Y a un moment faut ARRETER.

7. "Mais ce serait une erreur d'étudiant que de croire..."

et BIM pour l'étudiant qui lit le bouquin

6. "Nous ne nous attarderons pas sur l'interprétation deleuzienne, évidente..."

Ah ben c'est dommage j'aurais bien aimé que tu t'attardes.

5. "Comme le dit Pontalis (je cite de mémoire):..."

Tu sais, t'écris un livre là, donc t'as pas besoin de citer de mémoire; tu peux aller chercher la référence; mais bon si ça te saoule vas-y, cite de mémoire, je te regarde. C'est bien dis donc! t'as plein de mémoire. Quelque chose me dit que de toute façon t'es quand même allé chercher la référence vu que la citation fait une demi-page.

4. "C'est là que les Lumières (Aufklärung)..."

Ja wohl! Sprechen sie Deutsch! Ich bin ein Philosophiekeitgrossemaster.

3. "Les grands philosophes (sans oublier, d'ailleurs, les quelques grandes philosophes)..."

T'as vu ce Femen que je suis? Je me suis poussé un peu pour faire de la place à la petite dame.

(Variations:

- "Hannah Arendt, ayant reçu l'enseignement d'Heidegger (qui fut par ailleurs son amant)..."
- "Il serait incorrect de ne penser Simone de Beauvoir qu'en regard de Sartre (qui fut par ailleurs son amant)..."
- "Julia Kristeva (outre sa relation avec Philippe Sollers)...")

2. "Tout est texture en tant que tout est fracture: ce verre de Merlot près de moi, le chant des oiseaux dans les pins parasols, le vent qui s'insinue dans ma chaise longue..."

...l'odeur de mes pieds transpirants, ma crème solaire collante, mes tongs en plastique, mon mojito... ah oui je t'avais pas dit? j'écris ce livre en vacances. Enfin façon de parler. Je n'ai pas de vacances. J'analyse la vacancerie; le mode de l'être-en-vacances.

1. "Comme lorsque l'on aime, ou que l'on partage avec l'autre un moment d'intimité ou d'érotisme, de la même manière la pensée..."

J'AI FAIT DU SEXE UNE FOIS 

Revue de presse!

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La presse, beaucoup d’auteurs jeunesse en font, parce que c'est chouette et en plus c'est bien payé (enfin comparé à l'édition traditionnelle, hein; on va dire que tu peux prendre le sandwich lyonnais supplément cornichons la prochaine fois que tu vas chez Pomme de Pain, au lieu de devoir grignoter une assiette en carton discrètement dérobée). Bien sûr, il y a des joies et des contraintes à la fois: c’est bien payé certes, mais c’est très calibré; les délais sont courts, mais on a le produit fini en main très vite; les cahiers des charges sont très définis, mais on a toujours des espaces à conquérir; ça disparaît très vite, mais on peut récupérer nos droits. C’est un exercice de concision, de vitesse, d’efficacité, avec un vrai potentiel d’énergie, de liberté et de drôlerie.

En France, en plus, on a du bol parce que la presse pour enfants est de très grande qualité. Il y a une longue tradition du magazine et du journal pour enfants.

Récemment j’ai commencé à travailler pour ce monde-là. J’ai maintenant fait plusieurs histoires pour le super magazine belge de philosophie pour enfants Philéas et Autobule, que je vous conseille fortement pour éveiller vos petits Platons à la réflexion (une allusion à une autre maison d’édition de philosophie pour enfants s’est glissée dans cette phrase; sauras-tu la retrouver?).





Ma première histoire dans le Philéas et Autobule numéro 44, ‘Le raccourci’, vous dira peut-être quelque chose, car elle est basée sur une histoire publiée sur mon blog il y a quelques mois - qui leur a donné envie de me contacter.




(Comme quoi, ça vaut la peine d’écrire 12.459 billets de blog pour le simple plaisir d'offrir; au bout de 5 ans, on commence à voir le retour sur investissement.) Depuis, j’en ai écrit deux autres: la prochaine est une petite histoire sur le thème de ‘Jusqu'où peut-on aller pour que les autres nous aiment?’. J'y raconte le triste sort de quelqu'un qui se subdivise à l'infini pour plaire à tout le monde.

J’ai aussi commencé une série d’histoires, plus longues celles-ci, dans le mensuel d’énigmes policières Moi je lis, chez Milan. C’est effroyablement fun: des petits romans pour les 8-11 ans, qui racontent une vraie enquête, avec indices, hypothèses, suspects, etc. Mes deux héroïnes-détectives s’appellent Jo et Cass; elles sont soeurs, elles vivent à Audre-sur-Manchue dans le Pas-de-Calais (spéciale dédicace à ceuzécelles qui comprendront où c’est), elles pilotent des ULMs et des Zodiacs, et elles ont un gros chien nommé Grabuge.


Dans le premier épisode, Le trésor de la falaise(numéro d’août), il est question de blockhaus et de butin de guerre. Dans le deuxième, qui sortira en janvier prochain, il y aura des dinosaures et des maracas…


Je suis en pâmoison devant les dessins de Grégory Elbaz, qui a rendu à merveille les paysages de falaises et de plages de la côte d’Opale.



IL Y A UN LECTEUR DE CODES SECRETS #COOLITUDETOTALE
L'occasion de rappeler que si tu sais pas quoi offrir au petit neveu de la voisine de ta tante par alliance pour son anniversaire, un abonnement à un magazine est une idée pas nulle du tout.

Sur ce je vous souhaite de bonnes vacances car je pars demain pour un gros colloque (grocolok) et ensuite j'enchaîne direct avec une semaine de vacances donc je risque de ne pas écrire de nouveau billet de blog avant fin août.

http://www.jonathanrosenbaum.net/wp-content/uploads/2010/08/parapluies-de-cherbourg-catherine-deneuve.jpg
mais je sais que toiiiii tu m'attendraaaaas

Le test de Bechdel

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(Hello! je suis de retour.)

Quelques réflexions aujourd'hui sur le test de Bechdel. Le quoi? Vous connaissez peut-être ce nom si vous errez sur la blogosphère féministe d'inspiration anglo-saxonne. Alison Bechdel est une fameuse BDiste américaine, entre autres l'auteure de ce livre bouleversant et splendide et drôle et poignant qu'il faut lire à tout prix:



Voici quelques décennies, Alison Bechdel a lancé l'idée dans l'un de ses livres d'un 'test' en trois questions, à appliquer à toute oeuvre de fiction:
  • 1. Y a-t-il deux (ou plus) personnages féminins?
  • 2. Ont-elles une conversation? 
  • 3. Cette conversation est-elle à propos d'autre chose qu'un homme? 
Pour 'réussir le test' de Bechdel, on doit pouvoir répondre oui à chaque question.

Au départ, le test n'avait pas une valeur prescriptive universelle, car il était formulé par un personnage, et il n'était pas précisé ce que le test 'mesurait' exactement. Mais l'idée a été reprise par les milieux féministes et il est fréquent de voir des films, livres, etc. - surtout des blockbusters et des best-sellers - soumis au test de Bechdel. Ce site par exemple en répertorie des dizaines, avec leur résultat.

Le test de Bechdel est intéressant car il semble à première vue extrêmement minimal dans ses exigences, mais il apparaît qu'en réalité, un très grand nombre d'oeuvres échouent lamentablement à l'une des questions - voir par exemple cet article récent sur les échecs au cinéma.

En littérature jeunesse, il est facile de voir que de nombreux classiques ne réussiraient pas le testLe petit prince et tous les albums des Schtroumpfs échoueraient dès la première question; la vaste majorité des Astérix, Tintin, Babar ou des Petit Nicolaséchoueraient à la seconde question. C'est plus inquiétant de voir que de nombreux livres contemporains échouent aussi - je ne vais pas en nommer, pour des raisons auxquelles je viendrai ci-dessous, mais j'en vois souvent.

difficile de réussir au test de Bechdel quand Gargamel n'a pas pris la peine de créer des copines à la Schtroumpfette
Il y a beaucoup de livres qui réussissent le text mais vraiment de justesse, comme Harry Potter à l'école des sorciers, dans lequel on a une mini-conversation entre Molly et Ginny: deux lignes dans tout le livre, comme le souligne ce lien

Mais que mesure exactement le test de Bechdel, et quelles conclusions en tirer? On voit beaucoup dire qu'un texte qui réussit le test est 'féministe', mais c'est faux, car les critères du test sont extrêmement minimaux; c'est justement son intérêt. Le fait que le test soit si minimal est fait exprès: il est d'autant plus frappant que même avec un niveau d'exigence aussi bas, tant de films échouent.

Par exemple, le test ne mentionne pas l'importance des personnages féminins, ni le contenu de leur conversation. Si on a deux personnages très secondaires qui s'alpaguent dans un coin, hop, on réussit le test. Si ces femmes parlent chiffons ou d'affaires domestiques ou de gamins ou de recettes de cuisine, bingo, et pourtant il est difficile d'argumenter que ça vaut beaucoup mieux que de parler de mecs.

Twilight réussit le test, figurez-toi.

Il semblerait donc plus adéquat de dire l'inverse, c'est-à-dire qu'un texte qui échoue au test de Bechdel est 'sexiste', ou du moins franchement problématique du point de vue de la représentation des femmes; en d'autres termes, de dire que c'est un test dont les résultats négatifs sont plus significatifs que les résultats positifs.

Cependant, même compris comme cela, le test de Bechdel a ses limites. D'abord, il y a des cas compliqués. PrenonsLe jour où je me suis déguisé en fille (The Boy in the Dress), de David Walliams:

Passe-t-il le test de Bechdel? Oui, stricto sensu, mais vraiment pas brillamment: Lisa, l'héroïne, échange quelques mots avec avec sa prof, et plus tard très brièvement avec un groupe de filles. Mais le contenu de la conversation avec les autres filles est vraiment superficiel: il est question uniquement de maquillage et de fringues.

Par contre, quand c'est Dennis qui est déguisé en fille (devenant Denise), les conversations entre lui/elle et Lisa sont beaucoup plus intéressantes et sophistiquées. Mais est-ce alors un personnage masculin ou féminin qui parle? Il est également difficile de dire qu'un livre qui ferait s'évanouir toute la Manif pour Tous pour sa représentation plus que fluide du genre est 'sexiste'.

De plus, il y a personnage masculin et personnage masculin; on peut parler d'un homme parce qu'on veut le mettre dans son lit, ou on peut en parler pour d'autres raisons. Un roman qui suivrait la route de cinq Femen en entraînement intensif pourrait très bien échouer au test de Bechdel.  

Enfin, il y a évidemment des livres qui par définition échouent parce qu'il est crucial pour leur représentation du monde qu'il n'y ait pas ou peu de femmes, ou qu'elles ne parlent pas entre elles, comme La voix du couteau de Patrick Ness.

Donc il vaut mieux comprendre le test de Bechdel non pas comme une 'mesure', positive ou négative, du 'sexisme' d'un livre - et résister à la tentation de faire des 'dénonciations' outrées de ceux qui 'échouent'. C'est plutôt comme une façon d'explorer, de questionner, les rapports entre les sexes dans une histoire. Le test n'a aucun intérêt s'il ne s'inscrit pas dans une réflexion plus large.

Je me demande évidemment souvent si mes propres écrits réussiraient le test de Bechdel, mais pas pour m'auto-censurer; plutôt pour prendre conscience de ce qui est sous-jacent à mon écriture du féminin ou du masculin. Par exemple, pour mes romans ados:
  • Les petites reines réussit sans problème le test (ouf!), car il y a beaucoup plus de deux personnages féminins, qui ont un très grand nombre de conversations, qui souvent portent sur autre chose qu'un homme. 
Souvent, d'accord... mais c'est loin d'être toujours le cas. Une très grande quantité des conversations entre Mireille, Hakima et Astrid, et presque toutes les conversations entre Mireille et sa mère, ont pour objet central un ou plusieurs hommes: Klaus, Philippe Dumont... ou le bébé à venir, qui est... un garçon.

Au-delà des conversations, le test de Bechdel peut être ici élargi aux motivations des personnages féminins. Ici, les raisons pour lesquelles les trois filles font du vélo sont uniquement des hommes: Klaus, le Soleil, et Indochine. Et l'antagoniste, Malo, est aussi un homme et donc un objet de conversation important.

Ce n'est pas anodin d'avoir, dans un roman qui se veut et qui a été caractérisé par beaucoup de 'féministe', de très nombreuses motivations à la fois positives et négatives qui émanent de personnages masculins. Ca m'interpelle donc sur ce que je considère implicitement comme des raisons naturelles d'agir ou de réagir: je dois bien me rendre à l'évidence que je parle dans ce livre de jeunes filles principalement mises en mouvement, poussées à agir, par des hommes.

  • Comme des images réussit, mais tout juste, le test de Bechdel. Mais ce ne serait pas choquant pour moi qu'il échoue, car il est justement question dans Comme des images de l'impossibilité pour les jeunes filles d'échapper au regard des garçons. 
Echouer au test de Bechdel peut vouloir dire représenter de manière réaliste la difficulté pour des femmes d'échanger des paroles non centrées sur leur rapport aux hommes; et cela peut être fait pour dénoncer cette situation.
  • La pouilleuse réussit le test de Bechdel. Mais dans quelles conditions? 

Il y a deux personnages féminins adolescents, mais la seule conversation qu'elles ont qui soit identifiable (il y a aussi des dialogues non attribués) est à propos d'un garçon.

Ce qui fait que le livre passe le test, c'est qu'il y a, d'une part, un épisode de torture psychologique entre une adolescente et une petite fille; et, plus tard, une conversation entre une adolescente et une vieille dame à qui elle donne un bain. On voit bien ici que les deux conversations sont aux antipodes l'une de l'autre et qu'il est difficile d'en tirer des conclusions quant aux aspects, positifs ou négatifs, de ces rapports entre 'femmes'. 

Bref, le test de Bechdel est un outil très intéressant globalement, car il permet de mettre en lumière à grande échelle le manque de personnages féminins et d'interactions entre elles dans les industries culturelles; il est intéressant quand il n'est pas une 'condamnation', mais plutôt un moyen de se poser des questions sur la quantité et la qualité de ces personnages féminins et de leurs échanges.

Je sais que de nombreux/ses lecteurs/trices ici sont auteur/es, alors je serais très curieuse de vous lire dans les commentaires:
  • est-ce que vos/votre livre/s réussisse/nt le test?
  • plus intéressant encore, qu'en pensez-vous? quelles questions et réflexions tirez-vous de ce 'résultat'? 
Et pour ceuzécelles qui sont lectrices et lecteurs, je vous invite à faire de même à propos d'un livre récemment lu...
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